Argumentaire de l'édition de 2017

« Que peut encore la littérature ? ... » La question de l’épuisement de la littérature, de son impouvoir, de sa légitimité perdue, sinon même de sa fin, ne cesse de revenir aujourd’hui dans le débat public, au moment même où émergent de nouveaux usages et de nouvelles pratiques sociales, des ateliers d’écriture à la bibliothérapie, ainsi que des formes inattendues de création.

Conjointement, la question de l’enseignement de cette même littérature a été beaucoup agitée dans notre corporation depuis une quinzaine d’années. La baisse des effectifs dans les départements de lettres, en France comme dans plusieurs autres pays, les difficultés de leurs diplômés à trouver des emplois, les reconfigurations vers des modes de travail transdisciplinaires en « humanités » (voire en collaboration avec des sciences « dures » : sciences cognitives, informatique, etc.) — pèsent évidemment sur les débats.

            Le propos sera donc d’interroger cette rénovation (possible ? souhaitable ?) du domaine des lettres : rénovation qui pourrait passer par un changement ou une extension des méthodes d’analyse (peuvent-elles encore se limiter à celles de l’histoire ou de la sociologie littéraire ou au « paradigme linguistique » ?) et qui pourrait passer aussi par un déplacement des objets, par le déploiement de nouveaux sujets d’étude et par la modification du canon. Il s’agirait par exemple de souligner l’importance des études francophones et postcoloniales, d’introduire des œuvres numériques, des textes issus de la littérature populaire, des auteurs marginalisés parce que ne correspondant pas aux critères canoniques usuels ou de revisiter des œuvres majeures à la lumière de champs critiques émergents.

            Ce congrès aura ainsi pour but de faire un état des lieux des pratiques contemporaines et de conduire une analyse — nécessairement critique — des nouveaux objets et de nouvelles approches méthodologiques possibles. Il devra aussi demander ce que nous pouvons attendre, pour le meilleur et pour le pire, des évolutions envisagées : un simple aggiornamento ? La fin d’un certain humanisme ou celle de l’anthropocentrisme ? Un nouveau public pour des départements de lettres ? Le renoncement à une tradition d’analyse critique trop exclusivement fondée sur le commentaire ? Une remise en cause du dogme désormais désuet de l’autonomie du littéraire, au profit d’une redécouverte des formes de savoir et d’action déniés par le siècle précédent à la littérature ? Une définition nouvelle de la valeur en même temps qu’un renoncement à ses critères traditionnels ?

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